Jaisalmer, l’illusionniste:
La carte qui te fera croire que la chance n’est pas avec toi, que tu possèdes une mauvaise main, que la journée commence de la pire des manières. Tu arriveras sous une à chaleur à tuer un dromadaire, les valises sous les yeux et tes deux sacs accrochés sur le dos. Il ne te restera plus qu’à cacher la misère en ajustant tes lunettes, dans le reflet de tes verres apparaitra la carte déposée par le croupier, celle de l’espoir, elle t’offrira une paire inespérée qui peut faire basculer la partie. L’hôtel dans lequel tu te relaxeras pour prévoir le coup suivant sera majestueux, ses chambres aux sensualités orientales contrasteront avec sa cour Disneyland où mickey se noie dans le fond de la piscine. Tu imagineras déjà la tête de tes adversaires, acculés sous l’eau par une mise improbable. Excité comme un gamin, il te faudra faire durer le plaisir, et dans ses minutes de liberté tu divagueras au rythme de tes idées (doucement, tout doucement…) dans les rues sales et dorées du grand village qu’est Jaisalmer. Tous les champions connaissent le risque du relâchement, c’est au moment où l’on s’y attend le moins qu’il frappe. Une meute de chiens affamés se mettra à courir dans ta direction, tu repenseras à Tristan, tes yeux se fermeront pour laisser les images de ta vie défiler… Sauvé ! T’es sauvé mec. Sauvé par un chien malade qui se couchera devant toi. Ouff ! (de soulagement, pas le cri du chien) Pour lui la partie sera malheureusement finie, faut dire qu’ici il n’y a pas de place pour les malades, pas de place pour les faibles, les égouts ne suffisent pas à rassasier tous les animaux…
Soulagé de ne pas être le premier à quitter la table, tu commanderas un petit encas pour relancer le jeu. Tu seras ravi de déguster ces petits repas locaux, très bons et typiques qui ne seront pas sans te rappeler la partie gagnée en septembre dans ton QG du Western Tandoori de Katmandu. Tu te laisseras amadouer par les sympathiques serveurs. Pour la première fois depuis que la partie indienne a commencé tu te sentiras bien… Mais très vite, tu comprendras le stratagème, pour te faire fléchir, tes adversaires auront postés pleins de gentils népalais autour de la table. Souvenir, souvenir ! Pris de nostalgie, tu rêveras du bon temps, mais la mélancolie n’a jamais été bonne conseillère… Plouff ! Tu tomberas dans la Merde ! (ceci n’est pas une métaphore mais une phrase à prendre au premier degré) De la merde jusqu’à la taille ! Dans tes rêveries tu n’auras pas aperçu les égouts le long de la route. Heureusement, çà sera avec le pied gauche que tu glisseras. Dépité, tu lanceras un regard répugnant à la carte Jaisalmer que tu tiendras par le col dans ta main droite…
« Jaisalmer, tu m’avais promis que çà serait différent, qu’ensemble nous irions mélanger les couleurs dans la cabane du voyageur. Mais pour l’heure, c’est avec tristesse que je constate que rien ne bouge… des chances que rien ne bouge ?! Jaisalmer, ton ciel devient rouge ! Regarde un peu tes habitants, ils me sautent dessus pour montrer leur business… Jaisalmer, regarde un peu tes enfants, ils sont comme ceux de Delhi à réclamer sans cesse avec leurs trois mots d’anglais… « Hello ! Ten roupies ! »… sans autre justification que leurs mains tendues de façon désinvolte. » Perdu, ton esprit se tourmentera, l’air de rien, les questions s’enchaîneront… « Surprenant de voir qu’il n’y a pas de complicité entre les indiens. C’est une drôle de civilisation, très cloisonnée, très hiérarchisée, les arnaques se font aussi entre eux… Comment peut-il en être autrement… qui voudrait payer pour ces pots cassés ? La tension est palpable dans la rue, je ferai bien de ne pas faire le malin… regarde-le m’offrir son sourire de façade… il dupe certains touristes, mais je vois bien qu’il n’y a pas d’échange possible. Imagine toi, à ses yeux, je suis moins qu’un intouchable, je n’entre dans aucune caste, mise à part celle des mécréants… Est-ce le système des castes qui rends les indiens aussi peu accueillants ? La religion est très forte dans ce pays, ce qui pourrait être une terre merveilleuse, un exemple aux yeux du monde de la réussite à cohabiter entre hindous, musulmans, bouddhiste, etc… n’est au final qu’un problème supplémentaire qui renforce le cloisonnement de ce peuple. Cette société sans échange me laisse perplexe et pantois. Seule la famille importe (vaches inclues) et quelques millions de dieux… Quant au reste du monde, il est seulement un potentiel terrain d’arnaque à réussir… Mais moi, je n’ai qu’une pauvre paire en main, et pour l’instant je ne vais pas aller loin dans cette partie… Relancer ou ne pas relancer… Difficile d’obtenir des réponses quand même pour un sourire on vous demande de l’argent… Je n’ose pas imaginer le prix d’une discussion sur la culture Indienne… »
Cet instant, à l’heure où tu t’égareras, il faudra que tu relances. Relance ! Ton adversaire t’offrira une bière et 10% de réduction dans son restaurant. Tu seras suspicieux, çà fait longtemps que tu n’auras plus les idées claires mais tu accepteras car la faim commande. Tu n’arriveras pas à profiter de l’offrande car tu chercheras en permanence ce que çà cache. Rien. Mais tu n’aura plus confiance. Dommage. Irréversible ? « Laisse donc du temps au temps… Va te reposer, ce premier jour a été éprouvant, et la partie ne fait que commencer » te soufflera ton esprit chagriné.
« Que se passe-t-il ce matin ? Tout le monde est sympa, souriant et accueillant… suis-je encore dans mon sommeil rêveur ? » Tu te pinceras, mais rien n’y fera, tu seras déjà debout et profiteras des compliments que t’offrira ce jeune homme en allant s’asseoir à côté de toi à la table de jeu. Il te trouvera beau, bien évidement, tu ne seras pas intéressé par les garçons mais il a peut être de jolies copines alors tu le taquineras pour savoir où il les aura cachées. « C’est vrai çà… pourquoi y a-t-il si peu de femmes dans la rue ? Les seules que je croise, un balai à la main, traînent leur misère dans des voiles de couleurs… Le Pakistan ?! » Avant même de t’enfoncer dans des réflexions géopolitiques dont tu ne maîtriseras ni les tenants ni les aboutissants, surgira la serveuse de ton petit shop préféré à Jaisalmer. Elle aura troqué son balai contre un plateau de petits fours pour t’aider à bien démarrer la partie. Tu trouveras les mots pour la faire rire, jusqu’à ce qu’un petit garnement vienne t’accrocher la manche. Il voudra un autographe sur un billet de… « ten roupies ». Lui répondre que tu n’as que ton sourire à lui offrir ne semblera pas l’inonder de joie. Il repartira tête baissée et te voilà avec un followers de moins. La direction annoncera que suite à un problème technique, la partie sera repoussée dans l’après-midi, tu profiteras de cette opportunité pour te ressourcer au bord du lac. Le rickshaw de la veille te verra sur la route et proposera de te déposer gratuitement car il ira dans la même direction. Une matinée faite de générosité et de gentillesse… « Un signe du destin pour me réconcilier avec l’Inde ? Et si la partie n’était pas encore perdue ? Je ferai bien de piquer une tête dans le lac pour me rafraîchir… Putain ! Mais qu’est ce que c’est que toutes ces bestioles ?! Anguilles, murènes ou je ne sais quel serpent d’eau douce à moustache. » Tu sortiras le flash pour immortaliser l’instant, çà crépitera et sous le filtre jaune de la misère tu te verras disparaître quand s’éclairciront les pauvres joueurs indiens.
Avec une heure de retard (parfaitement à l’heure dans les standards indiens), la partie reprendra ses droits dans un nouveau décor. Direction le désert à dos de chameau. Tu feras attention à ne pas lever le petit doigt lorsque tu te rempliras le gosier d’une eau fraîche et sans saveur. En effet, pour les indiens, avoir le petit doigt levé signifie qu’on veut faire pipi. « Certainement une réminiscence des moqueries sur la bourgeoisie anglaise et ses vieilles dames qui boivent le thé le doigt levé. » Quant à la partie, les tours s’enchaîneront sans problème. Personne ne tombera du chameau. Il faut dire que c’est agréable et plus confortable que l’éléphant. Lorsqu’il se met à courir, ton cœur s’harmonise au rythme de ses pas… Pas de Panique ! Tu profiteras de ces moments sans craintes pour faire la connaissance d’un couple de compatriote très intéressant dont la femme connait les « plans d’automnes ». Ils t’apprendront que le chameau est le symbole du désert et de l’amour, car si tu peux aimer un chameau et son haleine fétide, alors tu es capable d’aimer tout le monde. « Bob Marley. Quel drôle de nom pour un chameau… Tu sais moi je t’aime bien, j’aime tout le monde d’ailleurs, même les indiens… Allez viens qu’on s’enlace, qu’on s’embrasse mon ami… Beurk ! Pfoua ! Ah non ! C’est vraiment trop fort ! Qu’est ce que tu as mangé, mec ?! Arrête de faire grincer tes dents comme un camion qui n’arrive pas à passer la première… je ne peux pas faire çà… tant pis pour les indiens ! Salut Bob et merci pour tout. ». Tu commenceras à maudire cette direction, cette agence de voyage qui a tout organisé, car si la bière dans le désert sera une saveur agréable bien qu’incongrue pour observer le coucher de soleil, le spectacle de musique et de danse pour clôturer une journée de jeu sera sans joie, sans passions, sans vie… un show artificiel pour touriste en espérant récolter quelques billets. Ils n’en auront certainement pas récupérer assez. Alors depuis que tu auras vu le couple de français se faire déplumer la moitié de son magot sur un dernier tour de passe-passe typiquement indien, tu resteras sur tes gardes et ne lâcheras pas tes jetons des yeux. Une magouille classique, une bière à 200 roupies, tu tends un billet de 1 000, le gamin n’a pas la monnaie (ils n’auront jamais la monnaie, gamin ou pas), alors il part la chercher, un autre revient et rend l’argent uniquement sur 500. Tu pourras protester, le billet de 1 000 se sera évaporé dans l’amertume du houblon…
Bob, comme tous les autres, finira par revenir. Il te proposera d’aller passer la nuit dehors, sous un ciel étoilé dans le désert. Fatigué, il te déposera très rapidement dans un coin si près de la ville que tu verras encore ses lumière, que t’entendra encore ses bruits. Vive la musique Disco ! « Quel tristesse… moi qui espérait contempler le ciel sous un silence sauvage… Grrr… Je les aurai ! Il me mène la vie dure, mais cette partie, elle est pour moi ! »
Tu auras droit à un lever de soleil divin, « Jaisalmer ! Enfin… Jaisalmer, ton ciel est rouge ! ». De retour dans le jeu, encore sous le charme du jour qui se réveille, tu donneras un pourboire sous l’instance du croupier qui gère les chameaux. Il te fera remarquer que deux jetons ne seront pas suffisants. « Jamais content ces pingres ! Je fais une entorse à la tradition française en laissant un pourboire et voilà qu’il trouve le moyen de me le reprocher ! Fini les agences de voyages ! Fini les pourboires ! Deux résolutions qu’il me sera plus facile à tenir que celle du 1 janvier. »
Cà sera le dernier tour de piste avec cette carte en main, tu ne prendras pas de risque inutile. Pour cela, tu t’enfermeras dans le fort de Jaisalmer avec ses ruelles étroites, ses habitants mélangés aux touristes, tout sera très rustiques, brute de décoffrage, mais tu sauras apprécier cette vue imprenable sur la ville en contre bas. Tu te croiras au Moyen-âge ou à Carcassonne « J’ai jamais vécu à cette époque, ou alors il y a longtemps, ou bien j’ai oublié, comme le temps où j’ai visité la pucelle du Languedoc ». Et pourtant à l’intérieur se cachera un intrus, un trésor, un sublime temple Jaïn rempli de détails et de motifs répétés à l’infini. Le contraste avec le fort sera saisissant, cette bande de statue et de femmes qui dansent sur les quatre murs de la pièce frisent l’obsession. Çà sera l’instant chaud de la journée, le moment où tous les adversaires prétendront avoir la plus grosse, le silence règnera à l’intérieur et personne ne voudra regarder ses pieds. Seul l’écho des pétards, qu’utilisent les jeunes dans la rue et dans le public en attendant le festival Diwali, parviendra à troubler l’esprit concentré des joueurs. Tu n’arriveras pas à réfléchir. Le moment sera critique. Alors tu profiteras d’avoir un peu de vent dans tes voiles pour trouver un lieu plus calme. Sur l’océan de poussière, tu t’arrêteras devant une librairie où le petit prince sera traduit en quatre langues. « Hé man ! Qu’est ce qui te prend ?! Çà ne va ?… Nous sommes en Inde, ici, ce n’est pas des manières de me proposer de prendre une photo… et gratuitement en plus… où va-t-on si les indiens deviennent sympa… Je te rappelle que t’es censé me sauter dessus, me le vendre à tout prix… ». Tu discuteras pendant plus d’une heure de tout et de rien avec ce vendeur qui n’en aura pas la mentalité. Inconsciemment pour la faveur qu’il t’offrira, et bien qu’il ne t’aura rien demandé, tu te sentiras obligé de lui prendre un livre surtout qu’il en possèdera beaucoup en français. « Cette nuit la liberté » sera ton livre de chevet pour mieux appréhender cette folle partie de poker indien.
Une giclée d’opium, tu ajusteras ton chapeau de paille qui fera fureur au point de rendre jaloux les vendeurs de cuir, et tu lèveras l’encre en direction de l’Haveli. « Quoi de mieux que la maison secondaire des princes du Rajasthan pour prendre les décisions justes… Pas de trouble au moment de miser gros… je vais gagner ! » Ces maisons sont une pure merveille de construction, elles sont fabriqués comme des lego, sans ciments ni eau, juste un emboitement de pierres « males » et « femelles » avec quelques clavettes en fer. Les marches d’escalier sont toutes de tailles différentes pour rendre l’arrivée de l’adversaire bruyante et difficile. Les maisons sont également conçues de manière à garder la fraîcheur à l’intérieur, ce qui n’est pas du luxe au milieu du désert. Le premier ministre de l’époque, admirateur inconsidéré des fleurs en a fait tailler des milliers qu’on peut poser par un astucieux système de rotation pour les festivals. Mais la pierre n’ayant pas d’odeur, il compense avec des cotons imprégnés d’essences naturelles. Magique !
Une dernière bière avec le couple de français qui devront quitter ta table de jeu. En effet, l’heure sera venue de regarder ta seconde carte. Assis sur le quai de la gare, accroché sur les murs du wagon tu verras ton nom côtoyer des noms « plus que français », les québécoises seront du voyage. Le bruit, les tremblements, ronflements et cris embarqueront dans la même couchette que toi. La nuit sera difficile, ta tête se mettra à tourner, très maigre, tu commenceras à perdre pieds lorsque que ton mollet gauche te brûlera… Ressaisi toi ! Courage ! Retourne là cette carte ! Du bout des doigts, tu en saisiras le coin, le relèveras et…
Jodhpur, la bleue :
La carte du soleil, celle qui te fera croire que la partie ne pourra pas t’échapper. Avec ce jeu, où il ne pleut jamais, privé seulement de 18 jours par an de soleil, il faudrait un cataclysme pour te voir trébucher. L’hôtel qui t’ouvrira ses portes sera encore plus beau que celui de la carte précédente… le croupier annoncera « Bienvenue à Jodhpur ! » et tu te diras que pour les deux jetons offerts c’est cadeau. Une petite voix viendra cogner dans l’arrière de ton crâne… « Attends… Ne vends pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! Attends avant de crier victoire. ». Mais toi, tu seras fier comme un coq, et méprisera ces conseils fort embarrassants. Et le fort, comme dans toutes les villes du Rajasthan, tu iras l’escalader en compagnie d’un ingénieur allemand. Au sommet, la ville se mettra à trembler, la ville se mettra à résonner : tout s’embrasera pour cet appel à la guerre ! La guerre du shopping, çà sera un jour particulier, le festival des achats… à court d’idée il te faudra suivre tes adversaires, miser quelques jetons pour acheter un peu d’or ou d’argent qui d’après leur croyance t’apportera de la chance dans l’année à venir. « Pff ! De la chance… je n’en ai pas besoin. C’est un jeu de carte, mais je le maîtrise du bout des doigts… acheter de l’or, quelle idée saugrenue. Si j’en profitais plutôt pour me refaire une petite garde robe. » Avec ton indifférence supérieure, tu ignoreras les rites locaux pour t’enfoncer dans le grand bazar de la ville. Au premier magasin, t’offrira quelques roupies superflues en échange d’un pantalon. Ton magot est bien garni et tu croiras fermement que tes adversaires se déplumeront entre eux à la conquête d’une piécette d’or où d’argent. Tu te poseras dans un second magasin où pour la première fois depuis le début de la partie tu pourras échanger avec tes adversaires indiens sur leur condition de vie et de jeu (en ayant auparavant acheté un t-shirt cela va de soit). Ils t’appendront que la vie au Rajasthan n’est pas facile, que le prix du kilo de légumes augmente sans cesse. Et dans ta vision typiquement occidentale, tu leur poseras la question des supermarchés. Et ils te rigoleront au nez, les supermarchés ont essayé de s’installer ici, mais les gens sont très méfiants et préfèreront « toujours » le petit vendeur de rue qu’ils connaissent.
Tu ne le sauras pas encore, mais en ce jour de festival, tu auras laissé passer ta chance. A médire sur ces croyances d’un autre temps, les mouches auront changé d’âne. Et pour cause, toi qui prévoyais de conclure la partie dans le palais du Maharaja, ils l’auront fermé en prétextant une fête. Tous ces insectes viendront te polluer l’esprit comme la mouche tsé tsé t’empêche de dormir « Ils veulent me rendre fou… c’est un complot… Arrêtez ! Pourquoi tant de bruit ?! Et toi le mendiant si je te donne une pièce tu m’embarques ces insectes ? Mais arrêtes de me suivre… non je ne suis pas un parasite. J’ai juste une partie à finir avant que ce soleil de plomb m’assomme. ». Généreux, tes adversaires le seront, ils ne voudront pas gagner contre un fou, alors les vendeurs du second magasin t’offriront un chaï (thé indien délicieux à prononcer Tchaï) et t’emmèneront à moto déguster un bon thalie. Les discussions politiques relancent le jeu jusqu’à ce qu’un baba viennent quémander de l’argent à ton adversaire très hospitalier. Votre baba fera son numéro, de l’eau tombera de ses dreadlocks desséchées, et peu importe si ton adversaire sera en mauvaise posture, il lui offrira quelques jetons. Désarçonné, tu le questionneras pour savoir s’il croit en ces superstitions. Il te répondra que le tour de passe-passe avec l’eau est un tour de magie classique, mais qu’à l’origine les babas sont connectés avec la nature et ils peuvent t’apporter bonheur comme malheur… Et dans le doute, car il a peur, il donnera de l’argent. « Je savais les indiens superstitieux, mais je ne suis triste de voir qu’ils ne sont plus heureux de croire en quelque chose, mais simplement effrayé qu’un malheur puisse arriver… Nuance désolante ! Et moi d’ailleurs, en quoi je crois… la victoire a failli m’échapper mais je suis de nouveau en piste, et ce qui ne tue pas rends plus… » Voilà qu’au moment de conclure ta pensée par une citation des plus banales, tu croiseras le regard du premier vendeur, celui qui a profité de ta joie pour te soutirer quelques jetons. Dans un duel que le croupier n’arrêtera pour rien au monde, tu expliqueras à ton adversaire, ton désarroi devant la façon de faire des indiens et notamment la sienne. Il essayera de se justifier tant bien que mal en te proposant un tapis… « C’est osé de sa part… il a beau avouer que les touristes sont des pigeons pour les indiens, çà n’en reste pas moins un concurrent… même la garde baissée, il est capable d’envoyer un uppercut par derrière… et qu’est ce qui me prouve qu’il souhaite changer la mauvaise réputation totalement justifiée de son peuple ?! Mon cœur arrête de taper si fort, je vais la prendre cette décision… offre moi un tempo lent… c’est infernal ce boucan… cette pollution me bouche la vue… et pis qu’est ce que j’ai en main… une carte de Jaisalmer pour une paire un peu faiblarde… un full de novice avec ma carte de Jodhpur… » Sans même avoir pris de décision, tu entendras les pétards, et ta voix criera : Tapis !
Jaipur, la victoire :
La troisième carte, celle que tu cacheras dans ta manche, la carte de trop. « Je sais que le poker se joue qu’avec deux cartes dans la main, mais si t’es mon pote, tu m’laisses tricher ». La carte de Jaipur ne t’apportera rien de plus que celle que tu auras déjà en main. Cependant avec celle-ci tu pourras te coucher dans un hôtel chic jusqu’à la rondeur de la moustache du portier. Dans cet établissement tout sera luxe et « affaire » mais pour comble de l’ironie pas de wifi (ou extrêmement cher), le courant électrique brulera ton chargeur et viendra te rappeler qu’ici il sera trop tard pour te reposer. Les dés seront déjà jetés. Rappelles toi… Tapis… Ahahah !
Le croupier retournera la dernière carte, mais en attendant, tu iras manger du poulet dans un restaurant juste à côté des cages à poule. Ton cœur sera mort, et agir sans sentiment, agir comme un indien, œil pour œil, dent pour dent n’augmentera pas tes chances de gagner. Repus et sans espoir tu marcheras dans le centre ville où tous les murs sont couleurs ocres. Bienvenue au Roland-Garros des gueulards, le tout saupoudré d’une odeur de fin des mondes. La ville est très sale, mais on y manie l’ironie avec un talent jamais démenti (A clean place is a safe place), le nuage de pollution rend l’air aussi irrespirable qu’à Old Delhi, et c’est pas rien de le dire, comme le chantait Mickey 3D sur la carte de Jaisalmer. Dans ta fuite intenable, une femme te rentrera dedans… « ‘Tin pourquoi elle ne s’excuse pas… elle n’a même pas l’air surpris de la collision… mes poches… non rien ne manque. Çà ne tourne pas rond ici, ni pour eux, ni pour moi. J’ai l’impression que mon affection pour ce pays est totalement dépendante de mon état de forme… et là, je n’y vois plus très clair… et le croupier, il la sort sa carte décisive. Le temps de jouer est fini. » Ne tenant plus de savoir le résultat, épuisé par une partie de plusieurs jours tu tomberas en admiration devant le mélangeur de couleur dans la rue… Rose sort de sa marmite et çà sera gagné… violet et çà sera perdu. Profites de cet instant de grâce, l’avenir se jouera là. Le rose deviendra violet, et des jetons s’envoleront dans la poche de ton adversaire… Mais tu souriras… tu souriras car tu auras gagné une clé pour appréhender et aimer ce pays. « Il faut risquer… c’est en étant gagne petit, que ce pays nous rends fou… je dois m’offrir, m’offrir totalement à sa folie pour préserver la mienne… Je suis léger… je vole ! »
Les effets de cette transformation ne se feront pas attendre, dès le matin suivant après une nuit reposante comme jamais, des jeunes filles d’une riche famille indienne viendront t’expliquer ce que tu devras essayer pour le petit déjeuner. Elles commanderont du thé à ta place qu’elles viendront t’offrir pour discuter de ton aventure. Pas encore très sur de toi, tes mots manqueront de justesse ce qui n’empêchera la plus petite de t’inviter à les accompagner durant leur journée de visite. Mais la plus grande, plus raisonnable, bien que portant un jean, a la culture indienne encrée en elle, et elle imaginera déjà la colère de ses parents. « Dommage ! La raison n’est pas toujours la bienvenue ! ». Ce sera donc seul que tu visiteras la ville, l’appel à la prière si nerveux, si colérique habituellement, se fera presque doux à tes oreilles comme cette patience inaltérable que tu sentiras grandir au plus profond de ton être. Pour fêter çà, tu commanderas du mouton, très épicée et surtout très bon… Sur la route du palais des vents, tu croiseras un mendiant qui ferait bien de se laver mais qui au lieu de çà profitera de l’eau courante pour nettoyer sa photo plastifiée de Shiva. Le sens des priorités indiennes t’échappera toujours mais tu souriras du coin des lèvres en lui lançant un regard plein d’affection qu’il saura recevoir. Tu croiseras la famille indienne du petit déjeuner devant le palais des vents, t’en profitera pour faire la visite avec eux avant de poser pour une interminable séance photo en groupe, puis individuel, puis avec tous les autres indiens qui veulent être à côté d’un blanc. Au bout d’une heure de ce jeu infernal, il sera temps de découvrir la notion de dialogue avec les indiens. Assis comme face à un tribunal, la famille enchaînera les questions qui sembleront être préparé comme pour une conférence de presse de la plus haute importance. Il n’y aura pas de rebonds dans la conversation, ils poseront les questions, tu répondras. Point. Néanmoins, tu apprendras que la plus grande, âgée de 24ans, n’est toujours pas mariée, qu’elle n’en a nullement envie, mais que pour le père, avoir une fille de 25ans toujours célibataire est une honte familiale qu’il ne pourra tolérer. La tension est bien palpable, une vraie histoire indienne comme en raconte tous les jours les films de Bollywood. Ils t’inviteront à Ahmadabad, chez eux « dans l’espoir de me marier avec la fille ?! Mais je ne suis pas hindous, moi… », malheureusement tu refuseras car l’agence aura déjà réservé un train pour toi.
Seul dans le palais des vents, tu poseras définitivement ton masque d’indifférence, de préjugés et d’arrogance, pour apprécier le chef d’œuvre de la folie indienne dans un silence divin.
Jaisalmer:
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Jodhpur:
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Jaipur:
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@LEONET CATHY ET CHRISTIAN: Salut les Léons! Le sourire est toujours là, plus que jamais… je constate que les nouvelles circulent à une vitesse qui me dépasse… laissez moi encore un peu de temps pour visiter le pays de l’ovalie
Bisous à vous.
Que de belles photos! Nous sommes contents de voir que tu as toujours le sourire! Heureux de ton retour prochain… avec ta maman…
Bisous des Leons et à bientot!
@Manu: Merci Manu!
Il faut dire que l’Inde regorge de couleurs, et dans le lot même un mauvais photographe arrive à en tirer quelques une de potable
Je comprends que l’Inde puisse te manquer… J’étais impatient de le quitter, mais avec le temps, c’est un pays qui donne envie d’y retourner!
J’espère que tout roule pour toi et la fafa
A bientôt.
Vraiment super tes photos! Ca me donne envie de repartir en Inde!
Bon courage pour la suite de ton trip!