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Kaléidoscope de la condition humaine !

// Kolkata, la cité de la joie qui vénère Kali. Je crois que dans cette opposition tout est dit sur la complexité et la richesse de cette ville Le berceau des intellectuels indiens a pris en adoration la Déesse du temps, de la mort et de la délivrance, mère destructrice et créatrice. A son image, les rues sont plongées dans un chaos sans début ni fin où je me demande ce que je fais là ?!

DSC02701 [800x600modif]Un peu désespéré à force de me casser le nez sur la devanture d’hôtels trop chers ou complets, je navigue à vue dans un des nombreux marchés de la ville lorsqu’un jeune m’aborde pour me proposer une chambre. Au point où j’en suis, je veux bien le suivre… Il me dégote une piaule à prix très raisonnable, dans un hôtel non indiquée près du vieux bazar. Comment font les clients indiens pour débarquer ici ? La question ne se pose pas pour les touristes, car durant mon séjour de trois semaines, je ne verrai aucun étranger occupé une des sept chambre. (J’apprendrai plus tard qu’il y a la « sudder street » de l’autre côté du bazar, remplie de guesthouse et de touriste. Du coup, je serai encore plus content de rester en paix dans mon hôtel inaccessible) Pour couronner le tout, j’ai même une télévision avec TV5 monde qui est entrain de diffuser le match de rugby contre les Tonga. De toute façon, je n’ai pas vraiment le temps de me sentir seul… très vite je partage ma chambre avec une souris que je renomme affectueusement « Mister Jingles ».

Je me prends rapidement de sympathie pour ma souris comme pour les bengalis, habitants de la province indienne dont Kolkata (anciennement Calcutta) est la capitale. Leur nom prédestiné et la similitude de leur caractère avec le chat bengal (réputé pour être vif, intelligent, curieux mais aussi très affectueux, surtout avec les autres animaux et les enfants), je leur fais confiance pour épargner « Mister Jingles » des sacrifices animaliers quotidien. La curiosité des indiens n’est plus à démontrer. Elle peut sembler totalement déplacée mais elle prête plutôt à sourire, notamment lorsqu’au restaurant, je lis ou j’écris. Les serveurs viennent à tour de rôle se mettre derrière moi pour observer ce que je fais comme s’ils étaient en mesure de comprendre le français. Le plus drôle est qu’ils s’imaginent discrets, et lorsque je les attrape du regard, ils détalent en cuisine à la recherche d’un hypothétique plat à servir.

DSC02722 [800x600modif]Un matin embrumé par la pollution, comme toujours en Inde, je pars à la recherche du consulat français. Loin de mon hôtel, je parcours la ville de long en large, chaque changement de quartier, est comme la découverte d’une nouvelle ville. Riche, pauvre, en bois ou en béton… je constate avant tout que Kolkata est d’abord un kaléidoscope architectural. Quant aux odeurs, elles sont infinies mais souvent abjectes comme ce poisson pourri qu’ils dépècent avec une vitesse et une violence maîtrisée depuis de longues années. La bête achevée, ils l’exposent dans la crasse d’un sol endolori par l’histoire. L’Inde a tout pour faire de vous un végétarien revêtant le costume extrémiste de « Brigitte Bardot ». Çà n’est pas cet incroyable indien qui après avoir nourri des chiens affamés dans la rue, se met à les caillasser de manière frénétique. « J’aime les animaux, mais si je ne leur lance pas des pierres après leur avoir offert mes restes, ils vont me suivre. Et moi, je ne peux pas accueillir toute la misère animale de l’Inde. » Me souffle t il dans un filet de voix muet mais qui en raconte tellement sur le paradoxe de cette ville. L’amour provoque la haine, la destruction amène la création et Kali surgit !

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La visite du temple de Kalighat, en hommage à la déesse hindoue de la mort, est totalement folle. Le temple est saturé, la foule se bouscule avec violence dans tous les recoins de l’édifice pour approcher la statue. C’est l’inverse de tous les temples que j’ai connu jusqu’à présent. En Inde, lorsque j’avais besoin d’un peu de répit et de tranquillité, je partais me réfugier dans le calme et la volupté des lieux sacrés. N’ayant pas la foi, je ne me bats pas pour approcher Kali. Je repars tête baissée, les pieds nageant dans la marre de sang d’une chèvre sacrifiée ce matin. (Quant à mon sang, il est impeccable, c’est le test d’INR de Kolkata qui le prouve)

DSC02728 [800x600modif]Encore estomaqué par la scène que je viens de vivre, je descends me réfugier dans les artères du métro indiens. Amorphe, ailleurs, je reste stupéfait devant ces pèse-personnes pleins de couleurs. Un gardien, dans un geste d’affection typiquement bengali, vient m’offrir deux roupies pour que je monte sur la balance. Je lui dis que j’ai de l’argent, même trois billets déchirés que personne n’accepte. « Bon sang de bonsoir, si j’attrapais l’enfant de gredin qui me les a refilé dans une rue mal éclairée… » La machine folle se met en marche, çà claque, les sons grincent, les lumières crépitent… et tombe le verdict ! Huit kilos en moins depuis le début du voyage… J’ai testé pour vous la cure Inde/Népal pendant 3 mois, le résultat est sans appel. Elle est bien plus efficace que tous les régimes à la mode actuelle. Vous pouvez manger de tout (enfin tout ce que vous arriverez à trouver). Faire des excès n’est pas un problème, votre corps saura vous le rappeler et la journée sur les WC sera un châtiment suffisant pour que vous vous limitiez naturellement.

Depuis que j’ai changé le verre des mes lunettes rayées, je n’y vois plus clair. Et dans la nuit de Calcutta, une femme laisse tomber un foulard à mes pieds, je suis effrayé, je sursaute, j’ai cru à une attaque de chien. La paranoïa s’installe. Il n’y a pourtant pas de quoi, ils ont presque l’air mignon, avec leurs crocs aiguisés et la bave qui pend au bout de leur museau. (Note à moi-même : Comme preuve d’amour envers ces bêtes à quatre pattes, pensez à mettre des cailloux dans ses poches !). De retour à l’hôtel, je ne m’entends même plus parler avec ma bière. Il y a festival musulman en plein milieux de la nuit, un boucan d’enfer, quelque chose d’assourdissant mais que je trouve excellent pour célébrer la victoire des bleus ! En rythme, et 1… et 2… et 3/0 ! Viva Rio de Janeiro !

DSC02737 [800x600modif]Kolkata est un disque rayé. Un passé qui ne veut pas trépasser Une histoire difficile à effacer. D’ailleurs comment surpasser les affres de l’horreur ? Kolkata est la seule ville en Inde (au monde ?), où les homme-chevaux sont encore là, à tirer leur rickshaw à bout de bras. Moi j’ai du mal à digérer, ces gamins rampant pour nettoyer le sol des restaurants, rendant mes repas toujours indigestes. Et pis, il y a ce gosse, tous les jours dans la même rue, chantant son refrain éternel « 200 roupies » à n’importe qui et à n’importe quelle heure. Il est bloqué dans l’espace temps avec ses sacs à vendre (faut dire qu’ils viennent aussi d’un autre temps ses sacs). Hier, j’étais lassé d’être impuissant. Ce soir, je suis fatigué de regarder la misère défilée. Demain, je voudrai faire quelques choses de mes mains. Et me voilà parti pour être volontaire à la maison de la charité crée par Mère Teresa.

DSC02819 [800x600modif]C’est au petit matin que la misère de l’Inde explose à la vue, quand les rues sont peuplées de rickshaws endormis dans un linceul sous leur carriole, que des poules encore vivantes sautent de panier en panier avant d’aller sur les étales du marché. Pour celle qui n’ont pas survécu au lever du soleil, et dieu sait comme elles sont nombreuses, la tête en bas, les pieds accrochés au corps d’un vélo, les cyclistes les emmènent se faire déplumer. L’abattoir à ciel ouvert, le bonjour délicat de la ville de Calcutta ! Mais la vue des animaux morts n’est rien comparée à l’odeur de bienvenue des tas d’ordures en feu pendant que les sans abris essayent de se laver juste à côté. C’est la triste réalité qui m’accompagnera chaque matin sur la route de ma nouvelle mission en tant que volontaire.

Après la prière matinale, la sœur comme frappée par la lumière m’envoie à Daya Dan. C’est un centre qui recueille des enfants handicapés physiques et moteurs. Je suis affecté au premier étage avec un groupe de volontaire, très souriant, sympathique et fort attachant. L’ambiance y est excellente, même si un nouveau quotidien s’installe. Ma vie de bénévole à la maison de la charité se passe toujours de la même manière. 7h, à la maison mère, prière, chanson de remerciement pour le dernier jour d’un volontaire. Petit déjeuner offert puis chacun monte dans le bus qui doit l’emmener dans le centre auquel il est affecté. Arrivé à Daya Dan, saluer les enfants, les sœurs et les massi (femmes indiennes, salariées, travaillant dans les centres mais elles ne sont pas chrétiennes). 8h : lessive et étendage du linge pendant que les massi lavent les enfants. 9h : prière pour tout le monde (y compris les enfants handicapés). 9h15 : première classe individuelle (un enfant avec un volontaire désigné) pour ceux qui sont considérés aptes à apprendre, pour les autres séances collectives (jeux, voir massage pour les enfants les plus durement touchés physiquement). 10h10 : pause. 10h40 : seconde classe individuelle ou « méditation » (salle de repos avec lumière apaisante ou musique douce). 11h20 : donner à manger aux enfants (toujours la même bouillie indigeste… l’odeur est insupportable et il s’agit de leur pain quotidien. J’avoue avoir eu du mal à forcer un enfant à manger ce festin lorsqu’il n’en voulait pas…). 12h : retour avec tous les volontaires à la « Sudder street ».

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DSC02826 [800x600modif]Le quotidien s’installe et pourtant je me sens mal. J’ai la tête qui tourne mais je ne peux pas renoncer si tôt. Je me force, et les poulets retournés sur les vélos de bon matin me rappellent quelques soit l’heure que l’Inde n’offre pas de repos aux âmes sensibles. Après la messe matinale, direction le centre où la vie reprend son cours habituel. Mais ce matin, je suis pris par un sentiment trouble. A quoi sert cette mascarade ? Je n’arrive pas à me réjouir de la situation. Sous prétexte de venir en aide et alléger leur culpabilité, les volontaires courtes durées de la « sudder street family » causent plus de dégâts qu’autre chose. Si nombre de gamins n’ont pas de perspective d’évolution positive dans l’avenir, quand je vois un mioche aussi mignon que Noel, qui ne dit mot mais au regard si triste qu’il exprime tellement. Pourtant personne ne le remarque alors entre crise d’épilepsie et de pipi dessus, il appelle à l’aide avec ces yeux vides. Les massi, totalement blasées par la quantité de nouveau volontaire, m’ordonnent d’aller le changer (sans douche car c’est une par jour et tant pis pour lui). Lorsque je me réjouis des petites victoires avec Rakesh qui semble n’avoir comme handicap que des jambes qui ne veulent plus le faire avancer, je n’arrive pas à penser à autre chose… Nous les ralentissons ! Sous prétexte de nous donner bonne conscience en écoutant Mère Teresa dans ce qu’elle a peut être dit de plus désolant : « même pour quelques heures venez toucher du pauvre ». Car oui, ils nous apportent beaucoup, beaucoup plus que l’inverse. Si seulement ils pouvaient avoir droit à des suivis personnalisés sur du long terme avec un seul et même aide spécialisé, leur progrès seraient incroyable ! Mais là, à défaut de progresser ou de régresser, ils stagnent…

DSC02746 [800x600modif]Les tourments s’aggravent, je me sens mal. Je chie de l’eau par tous les pores. Je passe une nuit en Enfer ! Assis sur les chiottes, je transpire, chie, vomi et je n’en vois pas la fin. Quand les klaxons s’arrêtent, des oiseaux viennent hurler sous ma fenêtre… Ce pays aux possibilités infinies quand nous sommes en forme, devient l’horreur sur terre lorsque les forces nous abandonnent. Ce pays use, détruit, déforme les sens et les odeurs. Je n’en peux plus ! Cela fait maintenant 28 heures que je végète entre mon lit et les toilettes. Je n’ai toujours rien avalé et le bruit me semble de plus en plus assourdissant. Quant aux indiens, je les trouve toujours aussi moche et difforme. Je n’apprécie rien sauf les chansons de Guillaume Depardieu. Pas de doute… Je suis toujours malade !

Dans le pays où il n’y a aucun répit pour les vivants. J’en viens à me demander si je ne dois pas mourir paisiblement dans mon lit sans avoir la force suffisante d’aller chercher quelques biscuits. Dans ce pays où la richesse se mesure à la graisse autour du ventre, je maigris à vue d’œil, je perds du poids, le poids des illusions… Ils pourraient tous crever que çà ne me ferait rien. L’indifférence ronge mon corps comme mes doigts pèlent d’avoir si froid sous les 35°C de Kolkata. Je boue de l’intérieur, et tout s’évacue ! Une fois de plus les WC sont la clé.

Habité par la fièvre je me pince sans cesse pour vérifier que les freaks croisés dans la rue ne sont pas le fruit de mes hallucinations. Les chiens décalottés, le visage à moitié rongé, les yeux vitreux d’un sang périmé, ces chiens n’ont rien d’immonde en comparaison de cet homme criant sa foi pour Allah au milieu d’une foule sans compassion qui l’évite comme la peste… Cet homme que le peuple laisse à l’abandon est le sosie officiel et réel de Davy Jones dans « Pirates des Caraïbes »… un visage déformé par des tentacules de peaux. Inimaginable ! Quand je le vois, je décide de ne pas prendre de photos de toutes les horreurs qui m’assaillent dans la rue de Kolkata, car sinon je ne ferai que çà…

Dans cette folie, c’est l’hécatombe chez les volontaires. Le moral est dans les chaussettes. Tout le monde est malade. Alors contrairement à d’habitude, ce matin là, je prie… je prie pour la pluie qu’elle vienne nous délivrer de cet air irrespirable.

DSC02758 [800x600modif]Le dimanche à Kolkata est mon jour préféré. Il ressemble à champ de bataille après le passage du Chaos. En effet, le dimanche, (jour de repos avec le jeudi pour les volontaires), doit également être le jour de relâche de la Déesse Kali. Les rues sont calmes, presque déserte, alors je décide de poursuivre mon apprentissage de la culture indienne. Je pars visiter le Victoria Mémorial dont je me fous éperdument et que je ne trouve pas très intéressant. Mais je profite de ces paisibles jardins pour me détendre et lire « l’avenir devant soi »… Pour apprendre, il y a les livres, et la rue… Alors je retourne dans celle de Kolkata où je découvre que travesti est un excellent plan pour gagner de l’argent. Nous sommes loin des jolies ladyboy thaïlandaises, ici les travestis sont grossiers (comme leur ventre), poilus au maquillage excessif. Mais comme tant d’autre chose, les indiens en ont peur, et lorsqu’ils en croisent un, par superstitions, ils lui offrent quelques roupie.

546015_10153567189735582_1069196990_n [800x600modif]De retour au centre, et comme tous les lundis, c’est avec Peter que je passe la matinée. Peter est un enfant très touché et touchant. Il ne voit pas, ne parle pas. La seule chose que je peux faire avec lui est de jouer sur un paillasson ou avec de la pâte à modeler pour faire travailler ses sens. Pourtant cette semaine, il n’y aura pas de routine, d’abord parce que c’est la dernière et pis de toute façon même si le programme est toujours le même en Inde, il y a tellement de contre temps, qu’on a l’impression de danser sur un Jazz de fou. Il n’y aura pas de routine non plus car cette semaine, il y a la grande sortie de tous les enfants, des sœurs, des massi et des volontaires au parc d’attraction à l’extérieur de la ville. En attendant cette excitante journée, je repense à cette phrase de Romain Gary : « Mais elle n’a plus rien dit. Çà s’est arrêté là. Les gens sont gratuits. Elle m’a parlé, elle m’a fait une fleur, elle m’a souri gentiment et puis elle a soupiré et elle est partie. Une pute. » Voilà ce qu’il me manque, des personnes qui soient gratuits, qui sourient et ne demande rien en échange. Alors quand un gamin souriant me recoud mon pantalon sans rien attendre en retour, je lui donne 50 roupies, car les sourires, çà manque ici. A défaut d’être heureux, jouer le jeu du sourire n’est pas dangereux.

1496654_10153567181380582_927077202_n [800x600modif]Puis les surprises s’enchaînent comme cette nuit où je suis réveillé à deux heures du matin. Je suis réveillé par le silence. Un silence total. Je n’avais jamais ressenti çà en Inde, mon corps s’est mis en alerte, mais quel plaisir ! La journée dans le parc ne pouvait s’annoncer sous de meilleurs auspices. C’est d’ailleurs parti. Après de longues tergiversations dans une organisation à l’indienne pour le remplissage des bus, on m’annonce que je suis en charge de Sumeth. C’est une chance, ce gamin est une merveille. Il est calme, un gros nounours indépendant qui veut aider tout le monde. Le parc est vraiment magique pour les enfants. Je peux voir briller dans leurs yeux la même excitation que ma première fois à Disneyland. Tous ont le sourire, même les massi. Dans notre pédalo, la massi est aux anges, elle ne veut plus s’arrêter (çà se voit que çà n’est pas elle qui pédale !), on finit par se faire appeler au microphone par le service de sécurité. Quant à la grande roue, Sumeth est effrayé, il rit, il pleure, il s’accroche à moi, essaye de tomber pendant que je m’efforce de le calmer. Une fois terminée, il est tellement heureux qu’il veut remettre çà. C’est beau de le voir se faire plaisir, et ne penser qu’à lui. Puis nous enchainons avec la maison hantée, Sumeth accroché à mon bras droit n’est pas très rassuré quand les lumières s’éteignent. Dans l’obscurité, je sens une main apeurée qui saisit mon bras gauche. Je pense à un enfant terrorisé et lorsque les lumières reviennent, c’est avec stupeur que je découvre… une massi ! La pause casse croute tombe à pique. Tout le monde est heureux mais fatigué de cette matinée, sauf Sumeth qui recommence à aider tous ses camarades. Incroyable gamin, qui maitrise le taureau comme personne. C’est avec une séance de rodéo que les activités de l’après midi continuent…

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DSC02781 [800x600modif]Après les émotions joyeuses du parc, la journée de repos est la bienvenue. Je suis d’ailleurs tout à ma joie en enchainant les délicieux Chai (thé indiens très sucré avec du masala et du lait bouilli) au point de rendre ce pays… flou. Je crois qu’ils vont finir par me manquer ces indiens aux questions formatées. Pour éviter de parler, et de croiser un regard, je lis un livre en avançant dans la foule. Malgré cela, un homme trouve le moyen de me demander ce que je cherche. J’en reste bouche bée, et lorsqu’il continue avec ses traditionnelles questions, j’invente un pays avec le dernier mot de la page du livre qu’il m’empêche de lire. Mais peu importe la réponse, il ne m’écoute pas, il enchaine avec la question suivante… Je m’amuse avec lui, je souris, ne dit plus rien, lui fait un clin d’œil moqueur avant de lui tourner le dos pour poursuivre ma route. Cette fois, c’est lui qui reste sans un mot, il me laisse en paix, enfin !

Pourtant cette nuit, je suis troublé, pas très fier de mon comportement vis-à-vis de cet homme qui fait ce qu’il peut pour trouver à pigeon. Mais il n’y a pas que çà, je me sens épuisé, tourmenté, comme cet arrière plan qui m’a donné le tournis, qui s’aplanit… puis dès que je trouve un peu de compassion pour ce peuple, ils font tout pour me dire que je suis dans l’erreur. Comme ce matin où le réceptionniste oubli de me réveiller à temps pour me rendre à la maison mère. Cependant, il vient quand même frapper à ma porte 1h30 plus tard, sans aucune raison. Je n’y crois pas, je me sens triste, j’allume le PC… Madiba est décédé ! Je vais finir par croire que les indiens l’ont épuisé même à des kilomètres loin de lui. Ils ont tué Gandhi, qui est devenu l’apôtre de la paix après son séjour initiatique en Afrique du Sud. Alors pourquoi çà n’est pas possible que les indiens aient également tué Nelson Mandela ? Je perds la tête avec ce peuple, je passe à de l’amour à la haine en moins d’une fraction de seconde. C’est trop intense, alors je décide de me murer dans le silence pour aujourd’hui…

DSC02806 [800x600modif]Je me ballade le long des berges du Hooghly pour méditer sur l’Afrique du sud, et mon expérience à la maison de la charité. Ce qui me fait peur, c’est cette foi qui les pousse à faire n’importe quoi. J’en arrive à me demander si çà n’est pas des sœurs de l’extrême qui ne peuvent trouver de justification que dans la souffrance. Elles sont prêtes à alourdir la croix que portent ces enfants malgré eux, pour rendre justice à la mémoire du Christ. Çà m’effraye. Elles sont pleines de bonnes volontés mais terriblement maladroites. Si je devais faire une métaphore footballistique, je dirai qu’elles font preuves d’un excès d’engagement non maitrisé. Ce qui parfois entraine le carton rouge. La volonté est essentiel, mais la volonté ne suffit pas toujours, en tout cas, elle n’est pas tout. Et pourtant à la fin de ma longue ballade au bord de l’eau, je suis toujours aussi triste car je sais que ce pays va me manquer car je vais le quitter sans l’avoir compris. Mais y a-t-il quelque chose à comprendre quand les gens sont à ce point superstitieux ? Qu’ils ne se rasent la moustache que si l’alignement des étoiles est propice. Ce soir, dans le ciel, elles sont déstabilisées par la nouvelle qui arrive droit d’Afrique du sud.

// C’est fini, j’ai aimé détester l’Inde, le dodelinement de la tête de ses habitants pour dire oui à tout alors qu’ils n’en ont aucune idée. Je sais que ce pays va me manquer, il est tellement intense. Il ne laisse aucun répit, c’est un monde dérangeant psychologiquement et physiquement. Il oblige à revoir toutes ses certitudes. Cette remise en question forcée peut mener à la folie ou mettre sur la voie de la paix. S’il vous plait, quand je serai trop arrogant, égoïste et fier, s’il vous plait, renvoyez-moi en Inde… Pour douter de tout !

PS : Et dans tout çà, je suis devenu comme eux. Avec patience et malice, j’ai réussi à refourguer mes billets déchirés. J’avais l’air sympa, ils m’ont fait confiance…

Kolkata:

 

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Lundi, mars 17th, 2014
Filed under:
Inde.
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