Depuis mon retour de Cluj, le wifi de l’X hostel ne marche plus avec mon ordinateur. Bien entendu, il fonctionne pour tous les autres clients. Me voilà coincé dans cet hôtel, dans cette ville à la chaleur étouffante, sans avoir les moyens de préparer la suite de mon voyage vers la Turquie. Mes compétences en informatique étant limitées, malgré de nombreux essais, la situation n’évolue pas. C’est alors que le patron de l’hôtel trouve un compromis : je n’ai qu’à m’installer derrière le comptoir et brancher directement le câble Ethernet sur mon ordinateur chaque fois que je souhaite utiliser internet. Brillante idée qui amènera quelques scènes cocasses. En effet, posté derrière le comptoir, je ressemble plus au réceptionniste qu’à un client lambda. Nombreux seront les nouveaux venus à s’adresser directement à moi plutôt qu’aux travailleurs de l’hôtel ! Une idée de travail pour renflouer les caisses et faire durer le plaisir du voyage… à méditer et noter dans mon CV !
M’enfin, je ne suis pas venu là, pour me faire exploiter et passer mon temps sur internet, il serait peut être temps de la visiter cette capitale roumaine. Malgré un premier aperçu de nuit qui ne m’avait pas emballé plus que çà, je m’aventure sous ce soleil de plomb, les pharmacies de la ville indiquent 40°C. Dans ces conditions quasi désertique, l’eau est la clé pour survivre, c’est donc tout naturellement que je me dirige vers le parc Cismigiu. Assis au milieu des anciens, je retrouve mon plaisir à les observer. A l’instar des joueurs d’échec en Hongrie, ici les parties de rumikub s’éternisent aux fils des conversations machistes. En effet, pas une seule femme n’est présente, ce qui ne m’étonne qu’à moitié…
Sur le chemin du retour, je me fais invectiver de façon violente par un sans abris qui pense que je l’ai pris en photo. Je lui prouve que non, et d’un claquement de doigt il se met à me sourire et me parler comme si nous étions les meilleurs amis du monde. Dans le livre de la jungle, Baloo chante qu’il en faut peu pour être heureux, mais il en faut vraiment très peu pour passer d’un extrême à l’autre dans le cœur des roumains. Et la jungle, malheureusement, elle se matérialise dans la vieille ville, quand aux yeux de tous, une clocharde recroquevillée comme un petit chien au regard apeuré pisse et chie derrière un réverbère éteint. C’est dégelasse et répugnant, mais la foule avance comme si de rien n’était. Parfois, le monde pue et nous en sommes tous un peu responsable…
Lors de cette même journée, pendant qu’on laisse crever dans une totale indifférence nos confrères sur les trottoirs brulants de la ville, j’apprendrai que d’autres prennent le temps de voter des lois stupides pour des gens dénués de raisons. En effet, un policier roumain n’a le droit de vous interpeller que s’il porte son… CHAPEAU ! Pour garder mon calme devant toutes ces situations ubuesques, il serait peut être temps que je m’en retrouve un de chapeau…
Ce qu’il y a de terrible quand on a la rage au ventre, c’est qu’un peu de pain peut nous calmer. Mais le problème en Roumanie, et particulièrement à Bucarest, c’est le premier pays du voyage où je n’éprouve aucun plaisir à manger. Il n’y a pas vraiment de « street food » locale (Macdo et cie ne sont pas à inclure dans ma définition de nourriture des rues), de plus la cuisine de l’auberge de jeunesse n’est pas fonctionnelle. Alors pour oublier ces désagréments, on boit, mais surtout pas de la pression ! Personne n’en commande ici, seulement de la bière en bouteille. Les roumains pensent que les barmans rajoutent de l’eau dans les fûts de bière, et comme je veux bien les croire, je fais pareil.
- Barmaid, deux Ursus pour mon ami et moi, stp !
Non non, je ne traduis pas. Le français est devenu la langue officielle dans l’auberge. Un arrivage massif de jeunes en provenance du sud de la France a déferlé comme un ouragan sur la capitale roumaine. Et comme à chaque fois, je crois que je peux m’amuser en sortant avec eux, surtout que nous sommes jeudi soir, un petit clin d’œil aux soirées étudiantes… Nouvelle erreur ! Malgré la sympathique Gabrielle, qu’est ce que je m’ennuie ! J’ai l’impression d’être un vieux con, à me demander si je ne suis pas comme l’ivrogne du petit prince à boire pour oublier que je bois.
Le lendemain matin dans le métro, je ne sais pas si ce sont mes yeux embrumés qui me jouent des tours ou ma gueule de bois qui déforme tout ce que je vois, mais j’ai le sentiment d’assister au défilé des « freaks ». Un mec sans jambes se déplace sur ses moignons en utilisant ses bras pour béquilles, une femme cache son visage complètement brulé, et j’en passe… Effrayant comme ce métro qui arrête de fonctionner dès 23 heures.
Si j’erre dans les transports en commun, c’est pour me rendre à la gare. Je ne suis pas convaincu par les nanas de l’hôtel qui m’expliquent qu’il n’existe qu’un bus en direction de Sofia à des dates et un tarif qui ne me conviennent pas. D’après elle, à cause du ramadan, les liaisons directes vers Istanbul sont annulées. Une fois de plus, j’ai bien fait de suivre mon instinct, au guichet je récupère un billet de train couchette pour Istanbul, à la date désirée et au même prix que le bus pour Sofia. Le sourire revient ! Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Lucia me confirme qu’elle vient ce weekend sur Bucarest pour voir une amie et qu’on pourrait en profiter pour passer un peu de temps ensemble !
Je profite de cette bonne nouvelle pour faire un crochet par Paris. Je pose avec le drapeau français devant l’arc de triomphe tout en ressassant l’idée de ce fou rencontré la veille : se faire tatouer jambe droite sur la gauche, jambe gauche sur la droite, pouce sur le petit doigt, et inversement… Si c’était çà l’essence de la vie, des trompes l’œil !
Plus je me balade dans les rues de Bucarest, plus je suis envahi par un sentiment étrange, un sentiment mi-figue (Pour toi, frangin !). Cette ville semble en construction. Comme si tout est commencé mais rien n’est fini… ou plutôt une ville en cours de déconstruction. Malgré cela et son peu d’harmonie, je ne peux pas dire que çà soit moche. Etrange !
Je passe une soirée tranquille à l’auberge avec deux sympathiques lorrains, un gentil autrichien qui a appris le français à Marseille (entre l’accent allemand et le chant marseillais, çà donne un improbable mélange !) et quelques américains qui s’expriment dans un anglais beaucoup trop rapide pour moi. Ce soir quand je regarde le reflet au fond de mon verre vide, je vois un singe, un de ceux qui miment les hommes. Quand je parle en anglais, je répète ce que j’entends à longueur de journée pour finir toutes mes phrases avec le fameux « You know… ». Je déteste cette expression ! Moi qui aie réussi à me débarrasser du « etc. » à la fin de toutes mes phrases en français, çà n’est pas pour me mettre à coller du « you know » à toutes les sauces ! Grrrr !
Pour mon avant dernier jour en Roumanie, Lucia avec son grand sourire vient presque me sortir du lit. A peine réveillé, sur la route je prends un petit déjeuner aux parfums français : vive les croissants ! Nous retrouvons sa copine pour une visite culturelle. Une association a prévu un tour guidé de la ville pour sensibiliser la population aux bâtiments qui ont fait l’histoire de Bucarest, et qui aujourd’hui sont totalement laissés à l’abandon par le gouvernement. Les deux jeunes ont prévu des petits sketches tout au long du parcours, les gens prennent plaisir à les écouter, et moi je suis content d’avoir deux traductrices pour comprendre. Mais ceci ne semble pas être au goût de tous les participants, on se fait houspiller par une dame à la sensibilité exacerbée par la douceur de langue française.
Après avoir mangé une nouvelle fois au Caru’cu bere, où nous avons pris la précaution de nous installer en terrasse pour ne pas être dérangé par les musiciens locaux, sur les conseils des lorrains, je veux faire un tour dans l’espace. Nous parcourons la place Unirii de long en large pour trouver le stand Heineken ! Introuvable… C’est un peu déçu, que nous nous redirigeons vers l’auberge de jeunesse, quand nous tombons nez à nez avec un monsieur propre deux fois plus large que haut portant un t-shirt noir Heineken. Alléluia ! Un vigil. Malheureusement il nous explique que le stand n’est pas ouvert avant ce soir. Pas grave nous reviendrons, en attendant une hôtesse nous offre deux bières, et moi j’ai déjà la tête dans les étoiles.
Lucia profite de ce passage manqué sur la lune pour s’éclipser quelques heures chez sa copine. Avant qu’elle ne revienne, je prépare mon sac, établis le bilan de mon séjour en Roumanie… Putain ! Les cartes postales, j’ai failli à mon devoir. Je cours chez le premier buraliste, quelques cartes que je rédige à une vitesse fulgurante. Mais c’est déjà trop tard, la poste est fermée, je n’ai pas de timbres, et demain, c’est… Dimanche !
Heureusement, avant même de m’envoler pour vous saluer depuis une autre planète (http://new.livestream.com/accounts/4770148/events/2264035/videos/26912569), un ange gardien veille sur moi. Après m’avoir hébergé à Pitesti, c’est avec plaisir que Lucia se propose d’envoyer les cartes dès lundi. Encore Merci ! (je sais qu’elles sont bien arrivées)
Dans le Laboratory (petit bar à cocktail très original), j’enfile ma tenue de chimiste pour dire au revoir à ce petit oiseau coloré. On se reverra en France, promis, mais en attendant je t’assure que mes dents vont bien, et que je prends mon préviscan tous les soirs !
Quelques adieux à l’hôtel, derniers achats (pas de bière, j’en peux plus) pour affronter les longues heures de trains qui doivent m’emmener aux portes d’un nouveau continent… je suis prêt ! Mais comme le soleil, aujourd’hui je suis un peu triste…
Bucarest:
@Lucia: Je vais dans l’enfer indien, mais je te souhaite bienvenue dans le « paradis » français…
hahaha I’m glad your teeth are healthy, take care and enjoy India ^^
@seb: J’en attendais pas moins de ta part !
charmante les traductrice